Bombay - Inde (2003)

Publié le par Jabla



J’aurais du me douter que quelque chose allait mal tourner. C’était trop simple somme toute. Déjà pour y aller en avril dernier tout ne s’était pas bien déroulé, j’avais loupé mon avion. D’un jour. Bein oui ça arrive. Eh oui minuit 01 avait jeté des doutes dans mon esprit, mais ce coup-ci tout était vérifié. Deux fois. Au moins. Autant être sur quoi. Mumbai-Bangkok, départ 22h30, arrivée 4h20. Le voyage était tout programmé, mes bagages prêts, ma voiture en bas. Paré à partir quoi. On attend donc l’ascenseur avec un couple d’amis, Samrat et Diana, venu me tenir compagnie pour mon dernier soir en Enfer et là c’est comme dans un film. Ralenti. La porte de l’appart’ qui se ferme, l’ascenseur qui descend les 8 étages. Et puis flash-back. Mon passeport, mon billet d’avion et accessoirement mes lunettes de soleil posés sur ma table de nuit. Mes clefs d’appart’ aussi. Surtout. Bravo ! Là je dois vous avouer on se sent vraiment très très con. Même plus.

 

Avec Samrat et Diana on essaye de s’organiser bien sur. Une première tentative de faire venir un serrurier se révèle très rapidement unfructueuse. Bon. Il ne reste pas 15,000 solutions... Après une bonne demi-heure à taper dessus on a fini par l’avoir cette putain de porte. Alena ma colloc’ croate était à Goa pour le week-end, mes proprios injoignables et mon avion à 22h30. Dans les films ils t’ouvrent les portes comme ça après 2 ou 3 vagues coups de pied, mais je vous dis que c’est que des conneries. Bien sur si la porte est en papier mâché je dis pas non, mais une porte normale, même pas spécialement épaisse, c’est pas du tout évident à forcer. C’est comme les coups d’épaules ça fait super mal ! Et pourtant la porte elle n’était pas super solide. Le verrou à peine plus. Le truc, concentrer les coups de pied sur la serrure pour faire sauter le verrou en le désolidarisant de la porte (merci Samrat). Le chambranle a bien tenu, le verrou non. El Hamdullilah...

 

Ensuite course en direction de l’aéroport, malheureusement on était le 5ème jour de la fête à Ganesh, le dieu éléphant, symbole du commencement entre autre, une des images majeures de l’extrêmement peuplé panthéon des divinités hindoues. En gros depuis une semaine dans toutes les rues ou presque de Bombay ont été érigés des temples avec une grosse statue dudit Ganesh. Après 10 jours toute la rue se dirige vers la mer en procession pour aller mettre les gros Ganesh (jusqu’a 1m20 ou même 2m pour les riches rues) à la mer. Après 5 jours (le soir de mon départ, oui je recadre) c’est juste les « petits » Ganesh qu’on jette, mais bon ça fait du monde tout de même. Et donc le soir ou je dois rejoindre l’aéroport le plus rapidement possible 15 millions de gonzes se baladent dans les rues en procession, en chantant, en se balançant de la poudre rouge et en rigolant franchement. Pas mal sont saouls m’a-t-on dit. Perso à ce moment la je m’en foutais royalement de ce type de détails, mais alors royalement. Bien sur c’est hyper intéressant de tomber sur un truc comme la « Ganesh Pride », une des plus grosses célébrations hindoues à Bombay, mais bon ce soir la je vous avoue que je voulais tous les tuer, ces Indiens chantant et leurs foutues statues à la con... Pour finir les Ganesh ont été à la mer et mon avion est parti.

 

Sans moi. Mais dois-je encore le préciser ? Je pensais me sentir très con devant ma porte dernièrement, mais là encore plus, beaucoup plus. Vraiment. Après 2 heures d’attente dans un des aéroport internationaux les plus pourris qui soient (Delhi est encore pire a ma connaissance), mon arcade sourcilière ouverte (cognée contre ladite porte), du sang sur ma figure et mes vêtements j’ai finalement pu trouver un billet sur Singapore Airlines. C’est pour ma poche bien évidemment. Départ finalement 01h30, je ne compte plus les remarques d’employés faussement concernés, « Orry sir, youp have bloody terre.. ». Moi, le regard vague, « I know, I know, I missed my plane, you know Thai Airways, the 10.30pm flight... ». J’étais pas mal dégoûté par rapport aux derniers événements vous devez vous en douter, mais bon c’est la vie, on gagne pas à tous les coups I guess. Et puis blasphémer en se tapant frénétiquement sur la tête n’est pas une solution, même si ça soulage. Pas beaucoup, mais un peu.

 

Bye, bye India, je te quitte sans panache donc, mais une fois le prix du billet d’avion digéré je pourrais alors rire de mes mésaventures, Inch’Allah ! Ça devrait prendre quelques mois tout de même. Et puis au moins maintenant je sais comment ouvrir une porte sans clefs ! Direction Singapour donc, puis KL pour quelques heures et ensuite Bangkok quelques jours histoire d’obtenir mon visa pour Taiwan d’ou je vous écris. Textile, rebelote ! Heureusement à Bangkok il y avait Mark un Anglais rencontré au Caire et sa collègue Casilda, Espagnole francophone de 33 ans qui n’a jamais passé plus de 4 ans dans le même pays d’affilée... Je ne suis pas si foutu que ça au bout du compte ! Petit pèlerinage au « Bella Bella Backpacker », mêmes filles au comptoir ! C’est fou. 2 ans déjà... Et puis retour en France pour les vacances en décembre si tout se passe bien, mais bon ça je ne peux en jurer, pas pour le moment en tout cas ! Et puis j’anticipe.

 

L’Inde donc. Bombay, euh pardon Mumbai pour de sombres raisons électorales d’un parti d’extrême droite au pouvoir dans l’Etat du Maharastra, dont Bombay est la capitale. Drôle de ville donc. Une île, 7 en fait mais elles n’existent plus, tout à été « réclamé » à la mer. Un peu comme les polder en Hollande. 15  millions d’habitants, un revenu moyen d’a peine plus de $400 par an (pour l’Inde) et le chaos ! Imaginez un pays d’1 milliard d’habitants souffrant d’un fort exode rural et de pas tant de villes que ça pour migrer. Tout est dit. Un putain de chaos donc. La pauvreté aussi. Elle semble être une norme ici ou beaucoup vivent dans les rues, le long de la ligne de chemin de fer, occupant littéralement chaque espace laissé vacant par un éventuel propriétaire. Ancienne perle de la couronne Britannique, la ville représente désormais l’espoir pour des centaines de milliers de paysans miséreux venus tenter leur chance au royaume des apparences. En Inde 40% de la population gagne moins de $1 par jour...

 

Certains racontent cette histoire de ce touriste qui une fois effectué le trajet séparant l’aéroport de son hôtel décide, sans même descendre de la voiture, de retourner chez lui. Légende urbaine ? Peut-être. Mais amplement compréhensible. Ames sensibles s’abstenir, ce pays et cette ville relèvent de référentiels si éloignés des nôtres qu’ils en paraissent choquants. Ici la normalité est monstrueuse, la misère omniprésente, les bruits et les odeurs également. Qu’a donc vu ce touriste ? Rien de particulier, ou plutôt si, un spectacle insoutenable. Des dizaines de milliers de personnes vivant dans les rues, dormant à même les trottoirs (quand ils existent), qui sur une simple natte, qui sur un lit de camp, qui dans le caniveau, et tous trouvent le sommeil dans la chaleur moite. Cette même chaleur qui permet aux gens de ne pas mourir de froid, voila peut être le seul avantage de ces pauvres hères. Ils défèquent également au bord de la route, se lavent, s’amusent, pleurent, copulent, accouchent, travaillent... Vivent quoi. L’intimité est bel et bien un luxe pour une majorité de l‘humanité.

 

Et bien qu’ayant horreur de tomber dans les clichés, je m’y jette la tête la première, oui l’Inde est le pays des contrastes. Quoi de plus normal que d’éviter le spectacle de ce mendiant aux multiples, inimaginables et indescriptibles déformations dans la matinée, que de regarder impassible au bord de la route ces milliers de familles vivant dans ces huttes de fortune ouvertes aux 4 vents qui défilent à n’en plus finir, et dés le soir venu que de siroter un vodka coke à Olive, le bar le plus en vue du moment de Mumbai, qui se trouve très opportunément juste en bas de chez nous. Ici, impossible d’échapper à la misère, elle se glisse partout, laisse une trace indélébile. Riche ou pauvre, il faut bien sortir de chez soit. Bien chanceux est celui qui ne voit rien. Aveugle plutôt. On peut choisir de ne pas regarder, c’est beaucoup plus simple. Mon regard s’arrête moins sur ces visions d’horreur, et je me dis que voila la normalité, tout au moins une certaine normalité, pour 1/5 de la population mondiale tout de même. On s’habitue à tout, triste à dire, et les mendiants Thaïs en pleine possession de leurs membres, sans maladies apparentes et déformantes me semblent jouer dans une autre division, celle des mieux lotis. Horrible. Hiérarchiser la misère, qui en a le droit ? Pas moi, non, mais comment s’en empêcher ?

 

Mais Bombay c’est aussi la folie. C’en était une de venir pendant la mousson. Il parait que c’est la pire période pour visiter l’Inde, voila ce que tout le monde nous répétait depuis plusieurs mois. Et il est vrai que Bombay sous la pluie constituait jusqu’il y a quelques semaines le spectacle quasi-quotidien que nous offrait cette mégalopole. D’innombrables rues inondées, des voies coupées, des taudis rasés par les eaux et des gamins riant et s’esclaffant, bien contents de ces vastes piscines « naturelles » qui se sont formées bien opportunément juste devant le pas de leur porte. Fort heureusement il ne pleut pas tout le temps, mais bon souvent tout de même. Surtout ça commence sans prévenir, et quand ça tombe, c’est pas un simple crachin breton, non, c’est une pluie de mousson quoi, comme on peut l’imaginer. Après une heure ou même moins ça se calme mais bon 30 secondes ça suffit à tremper son homme. Stoïcs, les pauvres Indiens du bord de la route interrompent leur activité, s’enveloppent alors dans des sacs plastiques multicolores et attendent que l’orage passe... La caravane passe et les vaches meuglent donc...

 

Croiser un troupeau (de vaches donc) en bas de chez soit, oui ça arrive. Souvent. Plus souvent que dans pas mal de campagnes, j’en suis certain ! Ici les Indiens, ils aiment les vaches, c’est peu de le dire. Pas la chair, mais l’animal. Symboles de la terre nourricière, les vaches déambulent paisiblement dans les rues, bouffent les poubelles, se disputent les restes avec porcs, corbeaux et miséreux. Pendant la crise de la vache folle, un (très) riche Indien voulait même racheter 12 millions de ces pauvres animaux promis au bûcher en Europe impie. Finalement elles ont cramées, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Croyez moi, ici les boucheries courent pas les rues, faut dire avec les hindous qui sont végétariens (80% de la population) et les musulmans (a peine 150 millions de fidèles, pas mal comme minorité) qui évitent le porc, il ne reste plus que les Parsis (70,000 âmes, descendants, très lointains, des Perses) zoroastriens (les derniers sur terre à ma connaissance) et les Chrétiens pour manger un peu de tout. Petit marché. Et les « mauvais » Hindous aussi, mais ils restent minoritaires dans une société hyper traditionnelle. C’est ainsi que l’Inde combine traditions et modernisme, mais franchement le pays est littéralement rongé par ses traditions.

 

Juste un exemple. Celui de la dot. Tous les pays du monde pratiquaient le système de la dot, mais ce phénomène s’est largement réduit, pour disparaître progressivement dans nos contrées développées. Ici le montant des dots s’est au contraire élevé d’années en années... Désormais la dot d’une famille de classe moyenne sera typiquement une Hyundai (Santro), 1 four, 1 gros frigo Américain Samsung, 2 costumes pour les frères du marié, quelques bijoux pour la mère du même marié et un peu de cash, oh pas grand chose, quelques milliers d’euros seulement. Officier de la prestigieuse armée Indienne (ceux qui font la guerre au Cashmire) c’est le plus « cher », dans les €50,000, docteur c’est pas mal non plus, avocat également. Il y a bien une loi anti-dot en vigueur depuis plus de 40 ans, mais les abus sont encore légion. Et malheureusement la livraison tardive d’un toaster ou d’un micro-onde peut avoir de tragiques conséquences pour la mariée, forcée de vivre avec son mari dans la maison de sa belle famille bien souvent. Tortures psychiques et physiques sont monnaie courante dès que les mensualités prennent du retard... Mais de tels sacrifices peuvent permettre à une fille d’épouser un bon parti, alors quand on y regarde de plus près, l’avenir de toute sa descendance est somme toute assuré. Ca vaut bien quelques sacrifices, du moins dans l’esprit des gens ici. Et puis l’immense majorité des mariages étant arrangés (amis, petites annonces, relations de famille, de voisinage, de travail...), pourquoi se préoccuper des époux ? Bein oui, le frigo il n’est même pas pour eux, plutôt pour la beau-mère !

 

Mais les Indiens ont un sens de la fête hors du commun. Riche ou pauvres, ils adorent les teufs et sont des pros pour organiser de mémorables soirées. La fête est une véritablement une religion ici. Même pendant la mousson des raves sont organisées à 2h de route de Bombay, sous la pluie et dans un cadre enchanteur la transe attire le chaland et toute la jeunesse qui compte de la ville est présente, du samedi soir jusqu’au dimanche matin. Les raves parties de Goa sont plus connues, plus grandes, plus folles, mais celles de Bombay sont pas mal du tout ! Il existe dans cette ville un noyau dur de teufeurs qui sont prêts à tout. Même la mousson ne les arrête pas, ce n’est pas peu dire. Vers 3 ou 4h du mat’, les gens arrivent et la teuf peut véritablement commencer. Shiloms et chimie au rendez-vous, cocktail détonnant.

 

Pour ceux qui ont la gentillesse ou le courage de lire jusqu’a ce point, un rapide survol de Bombay serait tout bonnement incomplet sans l’évocation de Bollywood. Tout le monde le sait l’Inde produit plus de films que n’importe quel autre pays, mais en tout plein de langues (il y a 18 officielles). Bollywood n’est qu’une composante (la plus connue) de l’industrie cinématographique indienne, « seulement » 300 films environ sur un total de 800 environ. Le tout en Hindi. Les ingrédients sont interchangeables, mais invariablement identiques. Un homme, son ami, une fille, le doute, la famille, le père, la vengeance, l’amour, la violence, un soupçon de tristesse, une jarre de chansons et pour finir un coulis de bons sentiments. Pour une fois la cuisine indienne manque singulièrement d’épices ! Les chansons restent toujours l’élément clef de ces superproductions régulièrement déficitaires, et les acteurs bien entendu ne chantent pas. Non ! Ils dansent en mimant le play-back pendant qu’un(e) des 10 chanteuses célèbres interprètent les tubes, les uns après les autres ! Navrant... Et c’est pourtant l’essentiel des productions locales. J’oubliais, pas de baisers entre les protagonistes, non, c’est mal. Le sexe n’en parlons même pas, le tabou des premières embrassades est tombé il y a quelques mois de cela a peine ! La tradition ici l’emporte sur tout et vivre à l’indienne revient à prendre les bonnes décisions concernant l’honneur de la  famille, du père, des soeurs et des ancêtres. Les acteurs et les stars déchues pullulent a Bombay et souvent on voyait a la télé des gens avec qui on avait passé la soirée la veille avec Alenka, qui a peut être trouvé l’âme soeur en Inde !

 

Mais bon, les Indiens c’est fini pour moi, c’est les Chinois maintenant (Adrianna help!!!). De mes 5 premiers jours à Taipei voila mes premières impressions : personne ne parle anglais, ils sourient tout le temps et putain y’a des malls de partout avec des magasins a l’intérieur. Oui, ça en Inde c’est toujours de la science fiction !!! Alors Taipei avec ses 2 millions d’habitants et une vue quasi-permanente sur les montagnes environnantes, ça change de Bombay, et ça fait du bien une « petite » ville ! J’aime cette ville, j’aime la civilisation... Je suis content d’être là... Vraiment.

 

Publié dans Trips

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